Où l'horizon prend fin,Où l'œil de l'homme jamais n'apaisera sa fin,Au seuil enfin de l'univers,Sur cet autre revers,Trouant le ciel de nuitD'encre et d'ennuiProfond,Se font et se défont les astres.Par delà les grands universOù les colonies de la terreProlifèrentEt dans la grande nébuleuse noireDont, voici dix mille ans, fut l'histoire.Depuis qu'ils cheminaient par dix et cent de millesPour délaisser la terre et ses anciennes villes,Depuis qu'ils voulaient voirCe peuple fou, ailé, la nébuleuse noire,Depuis donc et déjà tant de siècles passésQu'ils avaient délaisséLa terre,Ce peuple solitaireS'éprit de ses vestigesEt voulu en revoir la tige.Or, pendant que coulaientTous ces millions d'annéesSur la planète mère,Les survivants damnésRedoraient le parvisDe leur vie,Cependant que croulait interminablementUn bruit de poussière et de ventEt que s'affaissait le bétonQue coulait le peuple d'Orion.On a vu bien d'autres étoiles depuis,Allumées comme au fond d'un puits.Sur Orion que la mort attend,Un prêtre fait asseoir les hommes à genouxEt le peuple incomprisPrie.Orion ne reverra plus jamais le paysEt la lune, sa sœur, aura bien loin d'iciDes ailes.Les cieux comme un taudis,Privés de leur dentellesBaissent les yeuxAu milieu des cerisiers blancs,Sur son cheval,Le prêtre a des ciseaux d'argent.Il a les mains couvertes de papier doréEt le devant de son visage est décollé.Les grands arbres se dressent, les yeux mouillésEt leurs cheveux comme des tressesQui cachent le soleil,Les fleurs sont comme des oreilles, décollées.Nous,Même si nos membranes fragilesNous rendent un peu moins agilesEnsemble,S'il faut venger nos morts,S'il faut souffrir encore,Nous incinèrerons leurs corpsSi on veut de nous encore, encore,Si on veut de nous encore, encore.Et l'autel est dresséSur ses deux mains, sur ses bras blessés,Regardant vers le nord,Les mains tendues comme une plante carnivore.Et du plus loin que l'on entende les riresDéjà morts au sortir de leur bouche de cire,Il faut les laisser faire.Ce ne sont que des mammifèresDans ce monde de proseOù rien ne tient quand on le pose.Nous,Même si nos yeux sont trop clairs,Nous retournerons sur la terreEnsemble.Nous franchirons les mersDe notre planisphère,Reprendrons nos mines de ferSi on nous laisse faire,Si on nous laisse faire.Nous,Même si nos membranes fragilesNous rendent un peu moins agilesEnsemble,S'il faut venger nos morts,S'il faut souffrir encore,Nous incinèrerons leurs corpsSi on veut de nous encore,Si on veut de nous encore.Orion,Sentant sa fin venir,Dressa ses habitants contre leurs souvenirs,Contre leurs souvenirs.Depuis longtemps,Depuis longtempsRiche de tout,Ce peuple parasiteAuquel nous rendions visiteSouvent fit notre faillite.D'où il les avait mis sur le sol d'Orion,Il pointa ses canons la tête la premièreVers l'horizon puis vers la terre.Par delà les plus hauts monts,Au milieu des goémons,Vit Salomon,Pareil aux preux chevaliers teutoniques,Comme les lépreux sataniques,Et dont la descendance princière et millénaire,Pour toujours, un jour quitta la terre.C'est au creux d'une laguneDont il cheminait les dunesQu'un soir de lune,Descendant du ciel en spirales,Tombèrent les anges des étoiles.Tenant à peine debout,Ensevelis par la boue,Le sable mou,Leur semblant comme autant de serpents,Ils détruisirent tout en un instant.Depuis longtemps,Depuis longtempsRiche de toutComme un coquillageDont la coquille est sans âge,Salomon ignorait d'autres rivages.Par delà les plus hauts monts,Au milieu des goémons,Vivait Salomon,Pareil aux preux chevaliers teutoniquesComme les lépreux sataniques,Et dont le descendance princière et millénairePour couvrir son corps creusa la terre.Les fossoyeuses marinesTrouveront dans sa poitrineTant de verminesQui malgré les prêtres d'Orion,Se nourrissant de lui, revivront.Depuis longtemps,Depuis longtempsJaloux de tout,Debout dans leurs caravelles,Ce peuple aux formes nouvellesFit tomber nos citadellesD'un coup d'aile.Orion ne reverra plus jamais le paysEt la lune, sa sœur, aura, bien loin d'ici,Des ailes.Orion n'aura jamais s'il faut, pleuré, grandi,Quoiqu'aura bien vécu du moins à ce qu'on ditSans elle.Les cieux comme un taudisPrivés de leurs dentellesBaissent les yeux.Nous,Par le droit que nous donne notre âgeRéduisons nos fils à l'esclavage,Ensemble.Si demain chacun d'eux nous ressemble,Il faudra faire en sorteQu'aucun d'eux ne ressorteDu monde dont nous fermons les portes.Que la légende d'OrionSoit morte.

Composição: