395px

Delírios II: Alquimia do Verbo

Léo Ferré

Délires II : Alchimie du verbe

A moi. L'histoire d'une de mes folies.
Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.
J'aimais les peintures idiotes, dessus des portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.
Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n'a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de meurs, déplacements de races et de continents: je croyais à tous les enchantements.
J'inventai la couleur des voyelles!
- A noir, E blanc, I rouge, Ô bleu, U vert.
- Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d'inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens. Je réservais la traduction.
Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable, je fixais des vertiges.

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Que buvais-je, à genoux dans cette bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Dans un brouillard d'après-midi tiède et vert?

Que pouvais-je boire dans cette jeune oise,
- Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert! -
Boire à ces gourdes jaunes, loin de ma case
Chérie? Quelque liqueur d'or qui fait suer.

Je faisais une louche enseigne d'auberge,
- Un orage vint chasser le ciel. Au soir
L'eau des bois se perdait sur les sables vierges,
Le vent de Dieu jetais des glaçons aux mares;

Pleurant, je voyais de l'or - et ne pus boire. -

A quatre heures du matin, l'été,
Le sommeil d'amour dure encore.
Sous les bocages s'évapore
L'odeur du soir fêté.

Là-bas, dans leur vaste chantier
Au soleil des Hespérides,
Déjà s'agitent - en bras de chemise -
Les Charpentiers.

Dans leurs Déserts de mousse, tranquilles,
Ils préparent les lambris précieux
Où la ville
Peindra de faux cieux.

Ô, pour ces Ouvriers charmants
Sujets d'un roi de Babylone,
Vénus! quitte un instant les Amants
Dont l'âme est en couronne.

Ô Reine des Bergers,
Porte aux travailleurs l'eau-de-vie,
Que leurs forces soient en paix
En attendant le bain dans la mer à midi.

La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe.
Je m'habituai à l'hallucination simple: je voyais très-franchement une mosquée à la place d'une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d'un lac; les monstres, les mystères; un titre de vaudeville dressait des épouvantes devant moi!
Puis j'expliquai mes sophismes magiques avec l'hallucination des mots!
Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit. J'étais oisif, en proie à une lourde fièvre: j'enviais la félicité des bêtes, - les chenilles, qui représentent l'innocence des limbes, le sommeil de la virginité!
Mon caractère s'aigrissait. Je disais adieu au monde dans d'espèces de romances:

CHANSON DE LA PLUS HAUTE TOUR.

refrain:
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.

J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.

refrain

Telle la prairie
A l'oubli livrée,
Grandie et fleurie
D'encens et d'ivraies,
Au bourdon farouche
Des sales mouches.

refrain

J'aimai le désert, les vergers brûlés, les boutiques fanées, les boissons tiédies. Je me traînais dans les ruelles puantes et, les yeux fermés, je m'offrais au soleil, dieu de feu.
"Général, s'il reste un vieux canon sur tes remparts en ruines, bombarde-nous avec des blocs de terre sèche.
Aux glaces des magasins splendides! dans les salons! Fais manger sa poussière à la ville. Oxyde les gargouilles. Emplis les boudoirs de poudre de rubis brûlante... "
Oh! le moucheron enivré à la pissotière de l'auberge, amoureux de la bourrache, et que dissout un rayon!

FAIM.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour la terre et les pierres.
Je déjeune toujours d'air,
De roc, de charbon, de fer.

Mes faims, tournez. Paissez, faims,
Le pré des sons.
Attirez le gai venin
Des liserons.

Mangez les cailloux qu'on brise,
Les vieilles pierres d'églises;
Les galets des vieux déluges,
Pains semés dans les vallées grises.

Le loup criait sous les feuilles
En crachant les belles plumes
De son repas de volailles:
Comme lui je me consume.

Les salades, les fruits
N'attendent que la cueillette;
Mais l'araignée de la haie
Ne mange que des violettes.

Que je dorme! Que je bouille
Aux autels de Salomon.
Le bouillon court sur la rouille
Et se mêle au Cédron.

Enfin, ô bonheur, ô raison, j'écartai du ciel l'azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d'or de la lumière nature.
De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible:

Elle est retrouvée!
Quoi? L'éternité
C'est la mer mêlée
Au soleil.

Mon âme éternelle,
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.

Donc tu te dégages
Des humains suffrages,
Des communs élans!
Tu votes selon...

- Jamais l'espérance.
Pas d'orietur.
Science et patience,
Le supplice est sûr.

Plus de lendemain,
Braises de satin,
Votre ardeur
Est le devoir.

Elle est retrouvée!
- Quoi? - L'Éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil.

Je devins un opéra fabuleux: je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur: l'action n'est pas la vie, mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. La morale est la faiblesse de la cervelle.
A chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce qu'il fait: il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens.
Devant plusieurs hommes, je causai tout haut avec un moment d'une de leurs autres vies.
- Ainsi, j'ai aimé un porc.
Aucun des sophismes de la folie, - la folie qu'on enferme, - n'a été oublié par moi: je pourrai les redire tous, je tiens le système.
Ma santé fut menacée. La terreur venait. Je tombais dans des sommeils de plusieurs jours, et, levé, je continuais les rêves les plus tristes.
J'étais mûr pour le trépas, et par une route de dangers ma faiblesse me menait aux confins du monde et de la Cimmérie, patrie de l'ombre et des tourbillons.
Je dus voyager, distraire les enchantements assemblés sur mon cerveau. Sur la mer, que j'aimais comme si elle eût dû me laver d'une souillure, je voyais se lever la croix consolatrice. J'avais été damné par l'arc-en-ciel.
Le Bonheur était ma fatalité, mon remords, mon ver: ma vie serait toujours trop immense pour être dévouée à la force et à la beauté.
Le bonheur! Sa dent, douce à la mort, m'avertissait au chant du coq, - ad matutinum, au Christus venit, - dans les plus sombres villes:

Ô saisons, ô châteaux!
Quelle âme est sans défauts?

J'ai fait la magique étude
Du bonheur, qu'aucun n'élude.

Salut à lui, chaque fois
Que chante le coq gaulois.

Ah! je n'aurai plus d'envie:
Il s'est chargé de ma vie.

Ce charme a pris âme et corps
Et dispersé les efforts.

Ô saisons, ô châteaux!

L'heure de sa fuite, hélas!
Sera l'heure du trépas.

Ô saisons, ô châteaux!

Cela s'est passé. Je sais aujourd'hui saluer la beauté.

Delírios II: Alquimia do Verbo

A mim. A história de uma das minhas loucuras.
Há muito tempo eu me gabava de possuir todas as paisagens possíveis, e achava risíveis as celebridades da pintura e da poesia moderna.
Eu amava as pinturas idiotas, em portas, decorações, telas de saltimbancos, placas, iluminuras populares; a literatura ultrapassada, latim de igreja, livros eróticos sem ortografia, romances de nossas avós, contos de fadas, livrinhos da infância, óperas antigas, refrões bobos, ritmos ingênuos.
Eu sonhava com cruzadas, viagens de descobertas das quais não temos relatos, repúblicas sem histórias, guerras de religião sufocadas, revoluções de costumes, deslocamentos de raças e continentes: eu acreditava em todos os encantamentos.
Eu inventei a cor das vogais!
- A preto, E branco, I vermelho, Ô azul, U verde.
- Eu ajustei a forma e o movimento de cada consoante, e, com ritmos instintivos, me vangloriava de inventar um verbo poético acessível, um dia ou outro, a todos os sentidos. Eu reservava a tradução.
Foi primeiro um estudo. Eu escrevia silêncios, noites, anotava o inexprimível, fixava vertigens.

Longe dos pássaros, dos rebanhos, das camponesas,
O que eu bebia, de joelhos nessa urze
Cercada de suaves bosques de avelãs,
Num nevoeiro de tarde morna e verde?

O que eu poderia beber nessa jovem ave,
- Olmos sem voz, grama sem flores, céu nublado! -
Beber dessas cabaças amarelas, longe da minha
Querida casinha? Alguma licor de ouro que faz suar.

Eu fazia uma grande placa de taverna,
- Uma tempestade veio expulsar o céu. À noite
A água dos bosques se perdia nas areias virgens,
O vento de Deus lançava cristais nas poças;

Chorando, eu via ouro - e não pude beber. -

Às quatro da manhã, no verão,
O sono de amor ainda dura.
Sob os bosques se evapora
O cheiro da noite celebrada.

Lá longe, em seu vasto canteiro
Sob o sol das Hespérides,
Já se agitam - de mangas arregaçadas -
Os Carpinteiros.

Em seus Desertos de musgo, tranquilos,
Eles preparam os painéis preciosos
Onde a cidade
Pintará falsos céus.

Ó, para esses Trabalhadores encantadores
Sujeitos de um rei da Babilônia,
Vênus! deixe um instante os Amantes
Cuja alma está em coroa.

Ó Rainha dos Pastores,
Leve aos trabalhadores a água-viva,
Que suas forças estejam em paz
Enquanto esperam o banho no mar ao meio-dia.

A velharia poética tinha uma boa parte na minha alquimia do verbo.
Eu me acostumei à alucinação simples: eu via muito claramente uma mesquita no lugar de uma fábrica, uma escola de tambores feita por anjos, carruagens nas estradas do céu, um salão no fundo de um lago; os monstros, os mistérios; um título de vaudeville levantava terrores diante de mim!
Então eu expliquei meus sofismas mágicos com a alucinação das palavras!
Acabei por achar sagrado a desordem da minha mente. Eu estava ocioso, à mercê de uma febre pesada: eu invejava a felicidade dos animais, - as lagartas, que representam a inocência dos limbos, o sono da virgindade!
Meu caráter se azedava. Eu dizia adeus ao mundo em espécies de romances:

CANÇÃO DA MAIS ALTA TORRE.

refrão:
Que venha, que venha,
O tempo do qual nos apaixonamos.

Eu fiz tanta paciência
Que para sempre eu esqueço.
Medos e sofrimentos
Para os céus partiram.
E a sede malsã
Obscurece minhas veias.

refrão

Tal como a pradaria
Entregue ao esquecimento,
Crescida e florida
De incenso e ervas daninhas,
Ao zumbido feroz
Das moscas imundas.

refrão

Eu amei o deserto, os pomares queimados, as lojas murchas, as bebidas mornas. Eu me arrastava pelas vielas fétidas e, com os olhos fechados, me oferecia ao sol, deus do fogo.
"General, se ainda restar um velho canhão em suas muralhas em ruínas, nos bombardeie com blocos de terra seca.
Às vitrines das lojas esplêndidas! nos salões! Faça a cidade comer sua poeira. Oxide as gárgulas. Encha os boudoirs de pó de rubi ardente..."
Oh! o mosquitinho embriagado na mictório da taverna, apaixonado pela borragem, e que se dissolve em um raio!

FOME.

Se eu tenho gosto, não é muito
Senão pela terra e pelas pedras.
Eu sempre almoço de ar,
De rocha, de carvão, de ferro.

Minhas fomes, girem. Pastem, fomes,
O prado dos sons.
Atrai o alegre veneno
Dos lírios.

Comam as pedras que se quebram,
As velhas pedras das igrejas;
As seixos das velhas enchentes,
Pães semeados nos vales cinzentos.

O lobo gritava sob as folhas
Cuspindo as belas penas
De sua refeição de aves:
Como ele, eu me consumo.

As saladas, as frutas
Só esperam pela colheita;
Mas a aranha da sebe
Só come violetas.

Que eu durma! Que eu borbulhe
Nos altares de Salomão.
O caldo corre sobre a ferrugem
E se mistura ao Cedron.

Finalmente, ó felicidade, ó razão, eu afastei do céu o azul, que é do negro, e vivi, centelha de ouro da luz natural.
De alegria, eu tomava uma expressão bufona e perdida ao máximo:

Ela foi encontrada!
O quê? A eternidade
É o mar misturado
Ao sol.

Minha alma eterna,
Observe seu voto
Apesar da noite sozinha
E do dia em fogo.

Então você se desvincula
Dos sufrágios humanos,
Dos ímpetos comuns!
Você vota segundo...

- Nunca a esperança.
Sem orietur.
Ciência e paciência,
O suplício é certo.

Mais nenhum amanhã,
Brasas de cetim,
Seu ardor
É o dever.

Ela foi encontrada!
- O quê? - A Eternidade.
É o mar misturado
Ao sol.

Eu me tornei uma ópera fabulosa: eu vi que todos os seres têm uma fatalidade de felicidade: a ação não é a vida, mas uma forma de desperdiçar alguma força, um enfraquecimento. A moral é a fraqueza do cérebro.
A cada ser, várias outras vidas me pareciam devidas. Este senhor não sabe o que faz: ele é um anjo. Esta família é um ninho de cães.
Diante de vários homens, eu conversei em voz alta com um momento de uma de suas outras vidas.
- Assim, eu amei um porco.
Nenhum dos sofismas da loucura, - a loucura que se encerra, - foi esquecido por mim: eu poderei repeti-los todos, eu tenho o sistema.
Minha saúde foi ameaçada. O terror vinha. Eu caía em sonos de vários dias, e, levantado, continuava os sonhos mais tristes.
Eu estava maduro para a morte, e por uma estrada de perigos minha fraqueza me levava aos confins do mundo e da Cimeria, pátria da sombra e dos redemoinhos.
Eu tive que viajar, distrair os encantamentos reunidos em meu cérebro. Sobre o mar, que eu amava como se ele devesse me lavar de uma mancha, eu via se erguer a cruz consoladora. Eu havia sido condenado pelo arco-íris.
A Felicidade era minha fatalidade, meu remorso, meu verme: minha vida sempre seria grande demais para ser dedicada à força e à beleza.
A felicidade! Seu dente, doce à morte, me avisava ao canto do galo, - ad matutinum, ao Christus venit, - nas cidades mais sombrias:

Ó estações, ó castelos!
Que alma é sem defeitos?

Eu fiz o estudo mágico
Da felicidade, que nenhum elude.

Saudações a ele, toda vez
Que canta o galo gaulês.

Ah! eu não terei mais inveja:
Ele se encarregou da minha vida.

Esse encanto tomou alma e corpo
E dispersou os esforços.

Ó estações, ó castelos!

A hora de sua fuga, alas!
Será a hora da morte.

Ó estações, ó castelos!

Isso aconteceu. Hoje eu sei saudar a beleza.

Composição: